Deux heures d'étude à occuper [abandonné ?]

C'est bien sûr avec joie que les élèves ont appris que Mr. Stroom n'était pas là pour assurer son cours. C'est toujours une joie d'avoir deux heure d'étude, même si je me fais souvent platement ch*er : c'est toujours chouette quand on l'apprend, mais pendant qu'on est assis derrière ce banc couvert de dessins et de tipex, assis sur cette chaise sous laquelle trônent les chiques de toutes les couleurs, il n'y a que notre fièreté d'adolescent qui nous empêche d'avouer qu'on aurait été mieux en cours. C'est mon cas, du moins.

Bref. Autant dire qu'on était tous sur le chemin de l'étude, bavardant avec animation, et que tout allait encore bien pour moi. Je discutais avec Josh, un garçon très sympa avec qui je m'entendais particulièrement bien. Il faisait froid et plutôt mouillé, mais ça c'était la même chose quand Mr. Stroom était là. Un groupe de gars s'amusaient à imiter ce dernier donnant cours, ce qui en fit rire plus d'un. Un évènement auquel je m'étais habituée : Anélia Stanley marchait un peu à l'écart, parfaitement immunisée contre l'humour osé de Florent. Elle flottait, comme une princesse qui voulait qu'on remarque qu'elle était belle et

, comme Miss-Monde qui dirait que les vrai Miss, ce sont les femmes bafouées du Proche-Orient, comme un mensonge, comme une p*uf. Bien sûr, je me rends compte que je pensais ça par pure jalousie, parce qu'elle avait la classe. Rien d'autre à dire. C'est ce qui m'énervait chez elle : elle avait un physique parfait, un caractère mystérieux, des yeux étincelants, ...

... et une odeur horriblement marquée ? D'où elle sortait ça ? Ça ne ressemblait à aucun parfum, mais plutôt à une discrète senteur qui venait piquer mon nez, juste assez perceptible pour que l'envie me vienne de m'approcher pour mieux respirer l'odeur. Un instant, j'imaginai comment les garçons percevaient ça. Comme elle pourrait avoir du succès, si elle s'ouvrait un peu (au lieu de se la jouer intouchable). Comme j'aurais aimé avoir cet atout ! Avant de pousser la réflexion plus loin et me perdre dans la jalousie ou les mauvaises pensées, j'émergeais de moi-même et repris contact avec le présent alors qu'on descendait à l'étude.

Elle était déjà bien remplie. L'éducateur de niveau avait fait taire les rigolos de ma classe, et un calme relatif régnait pendant que chacun prenait place. Je me glissai pour ma part à côté d'une intellote rousse qui avait déjà déballé ses affaires et commencé je-ne-sait-quoi. Je m'assis donc, plaça ma trousse devant moi et... commença à regarder autour.

En temps normal, Aspen aurait été devant ou derrière moi, voir sur le banc à côté. On se serait passé des mots, on aurait fait des jeux ou quoi que ce soit d'autre. On n'a pas l'air de savoir s'embêter à deux. Or aujourd'hui était l'un de ces nombreux jours où elle ne se montrait pas à l'école, et où elle souffrait sans doute d'une ou d'autre maladie. Cette fille semblait résistante à première vue, à toujours se balader en petite veste, mais elle attrapait tous les virus possibles et imaginables, me laissant ébahie à chaque fois qu'elle m'expliquait ce qu'elle avait eu. Quel que soit sa maladie, ou son excuse cette fois, elle n'était pas là. Donc j'étais seule à l'étude (en tout cas, sans amie avec qui envoyer des mots).

Après avoir passé environ dix minutes à regarder les autres élèves s'occuper avec les moyens du bord, travailler, ou lire, je sortis mon bloc de feuille et entrepris de dessiner des étoiles en commençant par les coins. Puis, l'éducateur r'appella les élèves trop turbulents à l'ordre, ce qui me fit relever la tête, et mon regard dévia sur ce banc au coin de la salle d'étude, à la diagonale gauche de mon banc. Mes yeux se perdirent dans la contemplation de la fille qui était assise derrière celui-ci, une fille aux cheveux lisses et bruns, d'une beauté contre nature.

Je décollai mon regard emplit de jalousie et d'incompréhension d'Anélia Stanley pour me concentrer sur ma feuille presque blanche. Avec un élan d'inspiration, j'écrivis une question :

Tu penses quoi d'Anélia Stanley ?

Et je fis glisser la feuille vers ma voisine de banc.

On venait de s'installer en classe pour le cours de Mr Stroom. J'avais déjà sorti mon plumier, mon équerre, mon bloc de feuilles, mon cours et mon journal de classe pour ne pas perdre de temps quand le professeur arriverait. J'avais entrepris de classer mes stabilos par couleurs quand l'éducateur de niveau arriva lentement et annonça d'une voix morne et plate que Mr Stroom était absent. Il devait nous emmener à l'étude et semblait, je ne sais pourquoi, loin d'être ravi. En même temps, je devais admettre que certains éléments de la classe étaient particulièrement dissipés. Comme ce, j'ose le mot, ce gamin qui jouait à imiter Mr Stroom, très mal d'ailleurs sur le chemin de la salle d'étude.

Je suis relativement partagée à propos des heures d'étude. D'un côté, rater un cours est toujours énervant, sachant qu'au suivant, le professeur devra accélérer le mouvement. Quitte, parfois, à sacrifier quelques anectodes ou notions secondaires supplémentaires. D'un autre côté, je peux ainsi prendre l'avance pour d'autres matières, faire quelques prépas ou commencer à réviser mes leçons de la semaine prochaine. Au final, je dirais donc que j'accepte ces heures sans broncher et que j'en tire le maximum de profit.

Tandis que je pensais à cela tout en marchant, nous arrivâmes finalement à l'étude. L'éducateur de niveau s'affala presque sur sa chaise, derrière l'estrade, en nous regardant nous installer. Un fameux brouhaha s'en suivit, qu'il fit taire par quelques menaces de colle par-çi par-là. Je décidai de m'assoir le près possible de l'estrade - les mauvais éléments préférant souvent le fond - pour ne pas être dérangée mais la première rangée était déjà occupée par quelques élèves qui en étaient à leur deuxième heure ici. Je posai donc mes affaires sur un banc de la deuxième ligne, rangée du milieu. Je ressortis de mon sac mon plumier, mes cours, mon journal de classe ainsi que mon petit planning que j'avais fait le matin-même et qui concernait tout le travail à fournir d'ici la semaine suivante. Je pris aussi mon compas et mon équerre et décidai de commencer par une construction très ardue en géométrie.

J'étais tellement concentrée que je n'entendis pas tout de suite la personne qui venait de s'installer sur la chaise libre à côté de la mienne. Je relevai à peine la tête et reconnus Jasmine Woods, une "nouvelle" de cette année, pas vraiment turbulente mais pas élève modèle non plus. Je lui fis un sourire crispé et retournai à mon devoir. Je ne voulais pas que l'éducateur nous fasse un remarque pour bavardage. Je pense qui si cela arrivait un jour, j'en mourrais de honte.

Bref, j'avais presque fini ma géométrie quand je sentis plus que je ne la vis une feuille de papier glisser vers moi. Rapidement, je l'alignai devant moi pour ne pas que l'éducateur la voie. Personne ne me passait jamais de mot, et d'ailleurs ce n'était pas plus mal car je n'aimais pas trop ça, pour des raisons expliquées plus tôt. Jasmine avait griffonné quelque chose comme "Tu penses quoi d'Anélia Stanley ?". Je trouvais la question un peu étrange mais en y réfléchissant, il est vrai que le comportement de ladite Anélia poussait parfois à s'interroger. Qui était cette fille qui semblait se croire au dessus de tous ? Elle était vraiment très belle, dans son genre, et j'avais remarqué que beaucoup de garçons auraient bien tenté leur chance, si elle n'avait été si distante. Elle dégageait quelque chose qui disait "Vous ne m'intéressez pas." J'avais pensé cela très vite, quelques secondes à peine. Je pris donc mon bic et cherchai une réponse qui ne soit pas méchante. Cela donna au final : " Elle semble sure d'elle...Elle est très jolie, elle n'a pas tort."

Elle sembla surprise de mon mot, et le fit glisser sous son bras comme si c'était une cigarette interdite à l'école. Elle hésita néanmoins à le lire, il me semble. Bwa ! De toute manière, elle finit par le faire, et la petite élève modèle se transforma et fille normale, ce qui m'enchantait. Pas que j'aimais redescendre tout le monde à mon niveau, mais en tout cas, ça me plaisait bien de voir cette fille tout carré et sage relâcher son étau et se détendre un peu, superficiellement du moins.

Elle écrit quelque chose en dessous de ma question, puis me rendit discrètement le papier.

Elle semble sure d'elle... Elle est très jolie, elle n'a pas tort.

Je grimaçai. Bruna ne pouvait-elle pas être jalouse, ou simplement méprisante ? Ca m'aurait aidé à ne pas me sentir stupide. Je me sentais stupide... Jalouse. Moi. Du jamais vu. J'avais honte, mais comment ne pas ressentir un semblant d'envie en la regardant ? Je ne répondit pas tout de suite, ne sachant que mettre, de toute manière. Je jouai donc avec mon bic pendant un moment, en scrutant le vide devant mes yeux. La visage d'Anélia me revint soudain à l'esprit : c'était la fois où elle avait poignardé Aspen du regard, le premier jour d'école. Elle m'avait alors effrayée.

Elle n'avait rien d'effrayant, maintenant. Elle était juste tête basse, à griffonner ou à lire un truc. Elle avait l'air mignonne, innocente. Je soupirai.

Je commençai une phrase, puis me résignait et coloriai les carrés par dessus pour pas que Bruna puisse le lire. Après une ultime pointe de réflexion, j'écrivis :

Elle est trop changeante pour être normale. Elle est... bizarre. Tu trouves pas ?

Spoiler:

Spoiler:

Après avoir répondu à sa question sur Anélia, j'avais fais glisser la feuille vers elle, timidement. Je n'étais pas certaine que ma réponse était celle qu'elle attendait. Mais qu'attendait-elle, après tout ? Pourquoi me demander, à moi qui ne parle presque à personne, ce que je pensais de cette fille bizarre et distante ?
Curieuse de voir ce qu'elle allait écrire, je détournai les yeux de mon devoir de français - celui de géométrie était fini - et les fixai sur le visage de ma voisine. En lisant ma phrase, elle grimaça. Mince, qu'est ce que j'avais écrit de mal ? Elle réfléchit un instant, soupira. Comme elle n'avait pas vraiment l'air de me répondre tout de suite, je la laissai à ses pensées et retournai à ma rédaction.
C'est dingue comment ce petit mot occupait mon attention ! Je l'entendai jouer avec son bic, et l'inspiration pour mon texte ne venait pas. Clic-clac. Clic-clac. Puis Clic, et le bruit du bic sur le papier. Enfin ! Je n'avais rien écrit sur ma feuille blanche, si blanche, alors que l'autre, la quadrillée, m'attirait désespérément.
Quand elle fit glisser légèrement la feuille vers moi, je me jetai presque dessus. Un peu honteuse de ce mouvement brusque et ridicule, je me raclai la gorge et ne regardai que la feuille, les joues rouges. Je ne voulais pas qu'elle sache que j'avais attendu sa réponse depuis le début. Elle avait colorié quelques carrés, et inscrit en dessous :

Elle est trop changeante pour être normale. Elle est... bizarre. Tu trouves pas ?

Anélia, pas normale ? Mmm, elle avait pas tort. C'est vrai que cette fille est spéciale. Mais moi, les gens bizarres, je leur parle pas. Bon ok, je parle pas à beaucoup de gens mais bon...Soit, je trouvais qu'elle avait raison et j'avais envie d'êter sincère. Tant pis, de toute façon, elle ne saurait jamais ce qu'on a écrit.
Je notai donc :
C'est vrai, elle est un peu bizarre. Enfin je veux dire, on dirait pas une ado comme nous, elle a l'air plus vieille parfois...