[Contemporain] Ce soir, la lune.

Le GSM vibre sur la table. " C'est re-bientôt la pleine lune ! "

La pleine lune. C'est vrai. Souvent, elle passe discrètement, du coin de l’œil, pâle lueur à la fenêtre, et je marque une seconde d'arrêt dans ma journée, une pause dans la course folle de ma vie, pour l'observer, et l'admirer, la contempler un court moment. C'est un moment doux, de rêve, de dépassement. De folie. Un moment de proximité avec ce qui est inapprochable, simplement, purement. Une courte communion avec cette perfection mystérieuse, qui veille. Elle apparaît dans sa splendeur, elle trône grande et belle dans le ciel vide.

Souvent, donc, elle passe presque inaperçue, la course de nos vies ont raison de sa quiétude. Mais parfois, parfois elle déverse sur nos soirs, sur nos nuits, une trainée de paillettes mystérieuses, mystiques, qui nous touche en profondeur, mais doucement, comme un baume que l'on applique sur un corps usé, fatigué. On est alors projeté dans cette dimension irréelle où tout semble réel, ou réalisable.

Le vrai. Dans la course de la vie, qu'est-ce qui est vrai, au final ?

Le vrai, ce sont ces moments où on se retourne, et qu'on voit ce qu'il reste. Le vrai, c'est ce qu'il reste. Le vrai, c'est accepter que quelque chose soit né, ait existé et se soit éteint, et voir ce qui a du sens. Ou reconnaître ce qui en a eu (non moins important). Le vrai, c'est sourire pour un souvenir, un sentiment, ou le souvenir d'un sentiment qu'on ne pourra jamais partager à sa juste valeur, parce qu'il a été juste trop grand. Trop vrai.

Ce soir est un de ces soirs profondément affecté par cette prochaine pleine lune, déjà majestueuse et puissante dans le ciel. Ce soir, je reconnais ce qui est vrai.

Tandis que la lune se reflétait dans l'eau, je restais sans voix.
Il y a des soirs comme ça où la vie nous fous une claque, il y a des soirs comme ça.. L'eau de mes larmes envahissait mon visage, comme une souffrance enfouie depuis bien longtemps. Parfois il y a du bon à revenir là où tout à commencer. Ça fait toujours du bien de reprendre des chemins, déjà bien marqué par nos passages.

Car il y a des choses, des personnes, des chemins comme ça que l'on n'oubliera pas de sitôt, et parfois il y a vraiment du bon à se repasser tous ses excellents souvenirs, tous ces moments qui vous font tenir et avancer, qui vous redonne le sourire. Et puis parfois quand il y a une occasion de replonger dans cette eau amère qui regorge de souvenirs, on plonge la tête baissée, sans réfléchir aux conséquences de notre choix, et puis quand la lune disparaît et laisse place à la lumière, on se rend compte de la stupidité de nos choix.

Il faut savoir aller de l'avant, laisser le passé à sa juste place et savoir, qu'y revenir les soirs de stupidité, ne fait pas de nous quelqu'un de stupide, bien au contraire, ça fait juste de nous des gens qui savent reprendre le sens des réalité quand le matin reprend son droit. Quelqu'un m'avait dit un de ces soirs, qu'il fallait que j'apprenne à rêver et surtout à croire que chacun de mes rêves, pouvaient se réaliser, parce que c'est comme ça qu'on avance.

Bien que je doute toujours de la sainteté de l'esprit de cette personne, je suis absolument certaine du bien fondé de son idée. Je le savais avant mais ce soir là, la vie m'a foutu une vraie claque, je n'avais pas le droit de m'endormir, quand on a la vie devant soi nous n'avons pas le droit de simplement regardé la vie passé, nous n'avons pas le droit d'être simplement spectateur, je n'échappais pas à cette règle et personne ne devrait y échapper.

Et alors que je me rappelai de ce conseil, la lune avait bien commencé à se lever, la nuit était presque achevée. J'étais consciente que je ne raterais plus un soir de pleine lune, j'étais consciente que j'allais devoir réemprunter des chemins où je m'étais déjà perdue, mais j'étais consciente aussi que je ne perdrais pas une seule seconde du temps qui se passerait entre deux pleines lunes.

Je savais à présent que parfois, il valait mieux, juste l'espace d'une pleine lune, se souvenir de ce qui était important, sombrer dans les souvenirs et au petit matin se rappeler de ce qui l'est à présent. Je savais que parfois il fallait juste s'en tenir aux souvenirs, que ça valait mieux de ne pas se reperdre dans le passé, ce qui est passé est passé, le temps et les souvenirs se chargeront du reste.

Si je ne voulais pas que certains souvenirs se ternissent, je ne devais pas prendre le risque de recommencer certaines choses. Quand la lune fut totalement disparue, je me relevai et regardai cet endroit, tout en sachant que chaque nuit de pleine lune, je reviendrais ici attendre, quelque chose, quelqu'un et que je ne retrouverais que mes souvenirs, je serais déçue puis je me rendrais compte à nouveau que c'est sans doute mieux comme ça, j'en rirais parfois avec comme seule réponse l'écho de ma voix, sentant néanmoins une présence à mes côtés.

Car à présent je ne serais plus seule et surtout je savais ce que je devais faire, seules les nuits de pleine lune ralentiront le rythme de ma vie, ce sera comme des vacances d'un soir, amplement méritées.